Pour Claude Dilain
Cher Claude,
Je ne sais si les forces de l’esprit te porteront ce message mais j’aimerais tellement. Quand un homme politique meurt il est paré de toutes les qualités, les hommages sincères ou moins s’empilent juste avant que de s’effacer. Alors je veux t’écrire à toi pas seulement pour faire la liste de tes qualités – elles sont nombreuses mais tu étais aussi un humain conscient de ses limites et de ses imperfections – mais pour te dire merci.
Dans l’univers politique on est souvent déçu de la discordance entre le discours et les actes et avec toi on était rassuré. Peu savent que ton engagement vient aussi de ton métier que tu as gardé très longtemps : tu étais pédiatre. Tu avais vu grandir tant de petits clichois que tu savais que rien n’était écrit dans la vie. Comme élu tu as été confronté à beaucoup de sujets difficiles.
Ta lettre de 2010 sur ta « honte » a marqué les esprits. Elle résonne étrangement aujourd’hui quand la question de la ségrégation dans les quartiers est revenue dans le débat politique pour en repartir assez vite.
Toi, elle t’habitait jour après jour et tu avais ce talent de ne pas désespérer et de toujours expliquer. Tu as mené un combat acharné sur la question à la fois si technique et si indispensable des copropriétés dégradées et des marchands de sommeil.
Je suis heureuse pas seulement pour toi mais pour tous ces habitants qui n’y croyaient plus, que tout ton travail sur ces sujets se soit traduit dans la loi Alur dont tu as été un des rapporteurs au Sénat. Il te doit de manière décisive. C’est comme cela que j’ai appris à te connaître au-delà de ton image publique.
Alors je voudrais dire ce qu’on ne raconte pas : à quel point il était agréable de faire une réunion avec toi, que tu étais attentif, aux arguments techniques comme aux écueils politiques, et que tu réfléchissais toujours à une porte de sortie mais aussi que tu savais noter qu’une des collaboratrices était fatiguée et qu’il fallait faire une pause.
Tu savais dire le mot délicat d’encouragement au moment où les attaques étaient lourdes, prendre des nouvelles des enfants quand l’agenda devenait brûlant. Tu savais aussi hausser la voix et faire entrer la vie des quartiers et d’habitants victimes des marchands de sommeil face aux défenseurs confits dans le principe du droit de propriété au mépris de son dévoiement.
Tu ne te poussais pas du col, tu t’es appliqué le mandat unique sans faire de mousse, tu continuais d’accompagner avec beaucoup de gentillesse ton successeur Olivier à qui tu as transmis de belles valeurs.
Claude il faut que tu saches que nous avons le cœur brisé que tu ne sois plus là, que tu n’avais pas fini le boulot, qu’on avait encore besoin de toi, que tu vas nous manquer et que c’est trop triste.
Mais il faut que tu saches aussi qu’on a eu de la chance, de te connaître, de te voir travailler et surtout surtout de nous faire croire qu’on pouvait faire de la politique avec des convictions et de l’humanité. Heureusement qu’il existe des gens comme toi pour s’engager. Je sais que tu voulais que ce travail se poursuive. Tu peux nous faire confiance, nous sommes beaucoup à avoir envie que tu sois fier de nous, où que tu sois.
Je suis sûre que tu ne nous abandonneras pas, ton souvenir restera vivant. Nous continuons.