« Pour les musulmans » d’Edwy Plenel, un texte salutaire
On connaissait depuis de nombreuses années le talent d’Edwy Plenel à aller dénicher toutes les zones d’ombre de la République.
On savait sa pugnacité à défendre les enquêtes de son journal contre tous ses adversaires.
On partageait sa bataille pour une information libre et indépendante.
On entendait aussi son éloquence et sa détermination dans les occasions où il usait de la parole publique.
Pourtant son dernier ouvrage en surprendra plus d’un.
Tout d’abord parce qu’il vient briser une parole consensuelle et unanime à laquelle depuis plusieurs années nous sommes devenus habitués. Les discours politiques et médiatiques ont chacun, depuis le 11 Septembre 2001, désigné un nouvel adversaire aux démocraties occidentales.
Chacun s’est évertué à dénoncer un prétendu « ennemi de l’intérieur ». Les lois antiterroristes, à commencer par le Patriot Act américain, ont étendu ce domaine et il est désormais devenu monnaie courante de stigmatiser les minorités.
Au moment où ce livre paraît, cette actualité n’en est que plus grande. La guerre livrée à l’Etat islamique en Irak offre une nouvelle occasion à tous les zélotes de stigmatiser dans une catégorie englobante cet Islam, dont les bons pratiquants devraient aujourd’hui se démarquer ou se désolidariser.
C’est pour cela que le livre d’Ewy Plenel résonne comme un bol d’air frais. Il s’inscrit dans les pas de ces grands journalistes qui n’ont pas hésité à venir briser les consensus dangereux pour dire quelques vérités nécessaires.
Il cite d’ailleurs à de nombreuses reprises, le texte moins connu que « J’accuse » d’Emile Zola, qui écrivait en 1896, « Pour les juifs », travail nécessaire pour démystifier l’antisémitisme galopant qui gangrénait alors la société française.
Plus d’un siècle après, c’est le même devoir de vigilance qui est ici argumenté et détaillé.
Mais l’ouvrage ne se contente pas de manier une critique ou une dénonciation, il amène aussi la classe politique à remettre en cause ses certitudes et à s’interroger sur la définition du concept de laïcité et sur la place qu’elle accorde aux religions et au spirituel dans la vie publique. Cette interrogation qui est souvent bannie du débat intellectuelle, n’est pas envisagée pour soutenir les religions, ni se pour se bercer d’illusions sur le caractère autoritaire et répressif des régimes politiques qui n’ont que l’Islam à la bouche. Il nous rappelle simplement que la démocratie ne s’est jamais mieux portée que lorsqu’elle a épousée la diversité, et que cela en est même une condition intrinsèque.
A l’heure où le débat intellectuel se résume à la gloire toute zemourienne du suicide français ou à l’enfermement idéologique finkelkrautienne de l’identité malheureuse, cette parole à la suite des études de Fernand Braudel, nous rappelle que l’Identité de la France ne s’est jamais mieux portée que lorsqu’elle est riche de ses différences.