Transition : entre espoir et déception

Publié par cecileduflot le

Je me suis exprimée au nom des députés écologistes sur le projet de loi de transition énergétique préparé et présenté par Ségolène Royal.

 

Si ce texte amorce des avancées historiques j’ai interpellé la ministre quant à nos nombreuses inquiétudes, du financement de la transition jusqu’au démantèlement effective de la plus vieille centrale nucléaire française.

 

Retrouvez mon intervention en vidéo ci dessous, le texte en dessous:

 

 

Monsieur le Premier Ministre,Madame la Ministre,Mesdames et Messieurs les rapporteurs,

Monsieur le Président de la Commission Spéciale,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,Le débat sur le projet de loi de transition énergétique s’achève et, je vous l’annonce sans davantage de suspense, les écologistes voteront en faveur de son adoption.Les écologistes voteront pour son adoption car, même si elle ne réalise qu’une somme de petits pas pour l’avenir, cette loi fixe des objectifs salutaires et nécessaires pour notre pays.

Dans ce travail, je tiens à saluer l’implication de Madame la Ministre, du groupe socialiste et des groupes de la majorité, et bien évidemment, l’ensemble de mes collègues écologistes, tous ont été présents à un moment ou un autre du débat. Nombre des avancées de cette loi sont dus au travail de notre groupe et nous en sommes particulièrement fiers.

En présentant ce texte à l’Assemblée Nationale, et en acceptant la tenue d’une commission spéciale, vous avez trouvé des personnes avides de débats et de propositions et permis, chose historique, le premier véritable débat démocratique sur la politique énergétique de la France.

Permettez moi de formuler un regret. Et je m’adresse ici à mes collègues de l’UMP. Vous aurez réussit l’exploit d’écouler 12h de temps de parole sur un seul article. L’enjeu nous appelait à dépasser nombre de clivages. Je regrette que vous n’ayez pas souhaité franchir le rubicon de la prise de conscience écologique.

Notre modèle politique, économique et énergétique vire à l’obsolescence, et nous traversons l’un de ces moments où il faut se jeter à l’eau pour faire avancer l’histoire de toute l’humanité.

En cet instant, à cette tribune, notre sentiment est double.  Nous ressentons, nous écologistes, de l’espoir et de la déception.

L’espoir d’abord, car la loi contient des avancées que je veux ici saluer.

Tout d’abord le double objectif qu’il nous reste à concrétiser de réduire de 75 à 50% la part du nucléaire et la division par deux de la consommation d’énergie d’ici 2050. Mais aussi des mesures techniques qui pourront faire avancer nombre de choses : l’obligation de rénovation des logements, la mise en place du tiers-financement, la création d’un chèque-énergie pour les ménages les plus modestes, la lutte contre l’obsolescence programmée, la réduction des déchets, ou l’interdiction des cultures dédiées à la méthanisation grâce à Brigitte Allain.

Le vieux monde était habitué à considérer le progrès comme une course vers l’accumulation de richesse. Cette loi amorce une idée neuve: le progrès passe par une gestion plus raisonnée, plus collective, plus participative de nos ressources.

Enfin, en ouvrant la voie à l’économie circulaire, je veux ici saluer mon collègue François-Michel Lambert, ce texte nous invite à redéfinir notre rapport à la production.

Je tiens donc à saluer la part d’innovation de cette loi. Pourtant, l’honnêteté commande de dire que le gouvernement sur de nombreux points, demeure encore loin de ce qu’il faudrait faire. C’est ici que pointe la déception.

Qu’il est difficile d’avancer sur l’inéluctable chemin de l’écologie. Le vieux monde pèse de tout son poids. Les lobbies nous freinent. Les habitudes nous engoncent. Le conservatisme nous entrave .

Pourtant, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de ces débats, le rapport de Nicolas Stern est clair : la lutte contre le dérèglement climatique n’est pas l’adversaire de la prospérité. Mais elle aura un coût. Nier cette réalité revient à nier l’ensemble des objectifs de cette loi. La transition énergétique nécessite des investissements ambitieux, précis et ciblés.

Disons le aussi et surtout, l’absence d’investissement pour la transition aura un coût supplémentaire.

Pourquoi manquer de réalisme, d’audace, de volonté. Pourquoi ne pas saisir l’occasion qui nous est donné de changer de modèle ?   Les ombres qui obscurcissent la belle journée que devait être le vote de cette loi sont réelles et menaçantes.

Oui, le flou demeure sur le financement de la loi. Vous avez été claire sur les gaz de schistes, et c’est une très bonne chose. Il s’agira d’être aussi claire sur le financement de la transition énergétique.

Oui, cette loi est entachée de la suspension de la taxe poids lourds, mesure votée à l’unanimité de cette Assemblée et sur laquelle vous avez cédé devant les lobbys des routiers et de l’agroalimentaire alors même qu’elle est si efficace ailleurs en Europe.

Oui, cette loi est d’ores et déjà menacée par la réduction du budget du Ministère de l’écologie.

Oui cette loi est fragilisée par l’absence d’une stratégie concrète de baisse de la part du nucléaire, en commençant par la fermeture de la centrale de Fessenheim.

Au fond, toutes les ambiguïtés ne sont pas levées concernant la volonté écologique de ce gouvernement. Je pense ici  à Pénélope, dont la légende nous dit, qu’elle tissait le jour, et défaisait la nuit.  Je veux croire que nous n’agirons pas de la même manière et que les quelques avancées ne préparent pas de nouveaux reculs.

Alors, il conviendra de mettre un terme à l’imprécision et aux allers-retours constants qui font de l’écologie un rendez vous indéfiniment ajourné, au gré des intérêts des uns ou des autres.

Pourtant, en matière d’écologie, pour reprendre dans un autre contexte le mot d’Aimé Césaire, « l’heure de nous mêmes a sonné. »

Espoir et déception disais-je. Alors comment se décider ?

Madame la ministre, malgré vos déclarations de ce matin, qui nourrissent nos inquiétudes, nous faisons une fois encore le pari de l’espoir, car depuis toujours les écologistes s’acharnent à saisir le moindre interstice pour y faire progresser les évolutions nécessaires.

Croyez bien cependant que notre lucidité est en éveil.

C’est pourquoi,  si vous trouvez aujourd’hui des écologistes qui soutiennent des avancées nécessaires et attendues, sachez que vous rencontrerez dès demain des écologistes vigilants et exigeants, sur le terrain comme dans les institutions pour veiller à leur effectivité dans la réalité. Nous resterons mobilisés, et en cette année préparatoire à la conférence de Paris, nous nous inscririons dans un mouvement  civique planétaire  pour mobiliser nos concitoyennes et concitoyens pour  que notre beau pays soit au rendez vous de sa responsabilité écologique.

L’humanité fait face à son plus grand défi. Celui du dérèglement climatique. Cette loi n’est qu’un petit pas, quand il nous faudrait cheminer à pas de géants.

Une révolution de nos manières de produire, de consommer, de nous déplacer, d’habiter et au final de vivre, est nécessaire. Son urgence ne fait plus de doute.  Seuls risquent de nous manquer la lucidité et le courage de l’accomplir.

Dans ce combat  les écologistes vous le savez sont en première ligne. Ils ne souhaitent demeurer seuls plus longtemps, puisque le résultat de cette bataille n’est rien moins que notre avenir commun. Je salue donc les consciences qui progressent, mais sonne une nouvelle fois le tocsin : il est plus que temps d’agir radicalement. C’est notre mission d’élus de la République mais c’est surtout le devoir évident de notre génération de terriens.

 

 

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